Nouvel ouvrage dans la Gallusothèque : « Solutions sociales » de Jean-Baptiste André Godin.

Tout au long de notre cursus scolaire, on nous apprend en cours d’Histoire que le communisme a partout été un échec et une catastrophe pour les populations. En dehors du fait que notre système tend à mettre en avant uniquement les mauvais côtés des différents pays ayant de près ou de loin touché à cette doctrine, il a aussi souvent tendance à occulter le fait que dans certains cas il ne s’agissait plus vraiment de communisme. Par exemple, en URSS, si l’idéologie de base s’appuyait bien sur le marxisme, c’est tout bonnement une dictature qui a été mise en place et assumée fermement par Joseph Staline.

Bref, vous vous en doutez, notre but n’est pas ici de réformer notre manière d’enseigner l’Histoire aux jeunes générations (quoique cela ne soit pas une mauvaise idée), mais bel et bien de vous présenter un ouvrage très peu connu : « Solutions sociales » de Jean-Baptiste André Godin, aux éditions Les éditions du Familistère. Vous savez ? celui qui a construit le Familistère de Guise, qui fait l’objet de l’étape 10 du guide à Gallus !

Alors attention ! Jean-Baptiste André Godin n’était pas écrivain, et si vous comptiez plonger votre nez dans ce bouquin pour sa syntaxe recherchée vous seriez vite découragé ! Ce personnage a souhaité coucher sur le papier ses idées afin d’expliquer au plus grand nombre les raisons de ses actes, car il était avant tout un homme d’action, et sa vie durant il a d’abord agi avant d’essayer de convertir son entourage à ses idées.

Cet ouvrage a donc pour objet d’exposer son parcours et d’expliquer son évolution. Cet homme n’est pas né riche, mais a tout de même réussi à faire fortune. Et cette fortune, il ne l’a pas consacrée à son plaisir personnel ni à sa famille, tout en gardant bonne conscience en s’appuyant sur la théorie du ruissellement (qui n’existait de toute manière pas à l’époque, ou qui n’avait en tous cas pas encore été formulée explicitement), mais il l’a dédiée à la mise en pratique de ses idées et de ses solutions sociales.

Quelles sont les raisons de ce choix ? Comment un chef d’entreprise qui a fait fortune dans une société capitaliste a décidé, au bout du compte, de ne pas léguer sa fortune à sa famille, mais bel et bien de permettre à des centaines de personnes, pour la plupart ses salariés, d’en profiter afin qu’elles puissent en jouir pour développer une entreprise devenue association ou coopérative dans l’intérêt général ?

Jean-Baptiste André Godin avait compris que le concept de famille noie les idées progressistes et les pervertit, car on préfère toujours privilégier les « siens », c’est-à-dire les membres de sa famille, que d’aider des inconnus (nous sommes en tous cas éduqués dans ce sens). C’est un sentiment humain, bien sûr, mais que la société, en tant qu’entité de réflexion collective, ne devrait pas faciliter. Mais Godin a vite compris (sa famille l’a notamment aidé à comprendre ce fait) que les populations du XIXème siècle n’étaient pas prêtes à entendre ce type de discours (celles du XXIème ne le seraient pas beaucoup plus, d’ailleurs). Il a donc mis ces idées (d’origine fouriériste) de côté et a décidé, avec sa propre fortune (et au grand dam de sa famille), de proposer les solutions sociales qu’il estimait possiblement intégrables à la société du Second Empire.

C’est en cela que ce bouquin est passionnant : en dehors d’un chapitre 12 globalement long et ennuyant sur la phrénologie, il expose précisément tout ce qui, selon lui, peut améliorer la condition de vie des ouvriers, en passant par le principe d’association ; l’architecture idéale pour que les logements de ceux-ci soient aérés quotidiennement, pour qu’ils reçoivent le plus de lumière possible ; la vie en communauté pour que les idées soient échangées, que les voisins se parlent, et parce que l’humain est un animal social ; l’école gratuite pour tous les enfants, filles et garçons, pour qu’ils puissent choisir leur avenir ; etc..

Mais gardez toujours en tête au fil de ces lignes, cher lecteur, que tout ceci a été mis en pratique et a fonctionné. Ce livre est un témoin d’idées révolutionnaires, socialistes ou communistes (choisissez le terme qui vous convient le mieux) mises en pratique pendant environ un siècle, et qui ont survécu à leur initiateur pendant environ quatre-vingt ans ! Et ça a été fait sans effusion de sang, sans violence et sans renversement d’un système bien établi ! Bien évidemment, personne n’a cherché à reproduire ce modèle ailleurs qu’à Guise, car il n’a vu le jour que grâce à une personne riche qui a su voir au-delà de ses intérêts personnels et familiaux.

Beaucoup de ces idées font encore preuve d’une grande modernité et devraient aujourd’hui être appliquées à une échelle beaucoup plus globale, mais pour cela il faudrait une réelle volonté politique. La leçon que nous retenons donc de l’oeuvre de Jean-Baptiste André Godin, c’est que chacun de nous, à notre niveau et sans attendre d’avancée politique quelconque, nous pouvons contribuer au changement de notre société pour qu’elle devienne une entité de plus en plus humaine et solidaire.

Ce livre est à votre disposition sur simple demande !

C’est en lisant qu’on sera les mieux armés face à ça.